Quel privilège et quel plaisir de pouvoir vous présenter pour la première fois une saison du Concertgebouw ! Et justement une saison débordante d’amour – après la naissance et le passage à l’âge adulte, la troisième de notre voyage à travers les grandes phases de la vie humaine.
Existe-t-il un sujet plus chanté, décrit, mis en musique et en scène que l’amour ? L’inspiration est plus que jamais au rendez-vous pour une saison remplie de déclarations et d’histoires d’amour, parfois aussi de chagrin ou de jalousie.
Cette saison est une grande célébration de l’amour et des relations sous toutes leurs formes. Il est question d’amour amoureux, hétéronormatif ou non, physique ou spirituel. Mais nous abordons également les liens amicaux, familiaux ou confraternels particuliers.
Il ne s’agit cependant pas pour nous de proposer une simple ode à l’amour. Nous sommes de plus en plus conscients du caractère souvent problématique voire dégradant de la manière dont l’amour a été évoqué dans l’art à travers les siècles, et en particulier la position de la femme dans cette relation. Citons, par exemple, la mort violente de Carmen dans l’opéra éponyme de Bizet, parce qu’elle refusait l’amour de Don José.
C’est donc à dessein que nous avons choisi comme philosophe de la saison l’écrivaine, artiste de performance, conférencière et activiste LGBTQ+ Fleur Pierets. Par le biais de son travail, Fleur soulève des critiques par rapport à ce que nous avons tendance à trouver normal, notamment dans le domaine de l’art, et plaide pour la compréhension et l’inclusion. Au cours de la saison, vous découvrirez entre autres la version vidéo de sa performance 562 sur le Circuit. Elle nous présentera en primeur son nouveau roman, débattra de la position parfois pénible des femmes dans l’art et la musique, et écrira une lettre d’amour à une Brugeoise en particulier. Et vous pouvez nous aider à la choisir !
Fleur n’est toutefois pas la seule à utiliser ce média. En collaboration avec De Batterie, nous lançons un projet participatif axé sur les lettres d’amour. Et de manière générale, la saison 2025/26 dans son ensemble se lit – presque littéralement – comme une lettre d’amour.
'‘Existe-t-il un sujet plus chanté, décrit, mis en musique et en scène que l’amour ? L’inspiration est plus que jamais au rendez-vous pour une saison remplie de déclarations et d’histoires d’amour, parfois aussi de chagrin ou de jalousie.'
Son préambule est le Lieveling,-festival, un festival célébrant avant tout l’amour romantique. Alexandre Tharaud y adapte au piano les plus belles chansons françaises (quelle chanson française ne parle pas d’amour ?). Answer Machine Tape, 1987, un témoignage déchirant et intime, dépeint la relation entre deux amants en pleine crise du sida, dans les années 1980. L’amour est également le fil rouge des poèmes du XIIIe siècle du maître soufi Rumi dans le spectacle Rumi Passion.
Lors d’une nouvelle édition du festival de musique de chambre Têtes-à-têtes, nous mettons en lumière différentes formes de relations et de rencontres. L’attention se porte sur les liens familiaux avec des concerts proposant des œuvres de véritables lignées de compositeurs, et sur les binômes musicaux dont les artistes forment un couple sur le plan musical comme dans la vie. Deux d’entre eux sont de tout nouveaux Créateurs au Concertgebouw : Aisha Orazbayeva et Reinoud Van Mechelen, vivant pour le meilleur, pour le pire et pour la musique respectivement avec Peiman Khosravi et Anna Besson. Nous jouons également les entremetteurs en mettant en contact des interprètes et des compositeurs – dans des combinaisons qui ne manqueront pas de faire des étincelles ! Ce qui ne nous empêche pas de tisser des liens entre vous, notre public, et l’artiste, que nous invitons à un échange de vues au pop-up café du Forum 6 autour d’un bon verre.
Forever yours clôture notre lettre d’amour au fil de la saison. Lors de ce festival, nous nous penchons sur les histoires d’amour impossibles. Si celle de Roméo et Juliette, ici dans la version d’Hector Berlioz, est sans conteste la plus célèbre, Alphise et Abaris doivent eux aussi surmonter de nombreux obstacles pour enfin se retrouver dans Les Boréades de Rameau. Le chorégraphe Ali Chahrour exprime quant à lui l’amour entre deux hommes sous la forme d’une danse tout en tendresse.
Depuis le début de notre cycle consacré aux périodes de la vie, nous associons un (changement de) saison à chaque thème de saison. Lors de la saison consacrée à la naissance, nous célébrions le solstice d’hiver. Coming of age portait en lui la promesse de l’avenir, donc le printemps. Et c’est tout naturellement à l’été que nous associons l’amour !
Nous célébrons également le milieu de l’été en proposant le jour le plus long de l’année un Happening pour le solstice d’été. Il y en aura pour tous les goûts en cette journée festive, avec un spectacle familial, des musiques traditionnelles du Hathor Consort et un rituel sans retenue de Sídhe. N’hésitez pas à vous faire une petite place à notre longue table pour profiter d’un bon repas et d’une boisson dans le charmant jardin du cloître des Jésuites.
Nos festivals thématiques ne sont pas les seuls à déborder d’amour. Certaines valeurs sûres sont de retour cette année, s’inscrivant de temps à autres également dans le thème de la saison. Ainsi, nous accueillons une fois de plus le Budapest Festival Orchestra pour trois concerts avec au programme entre autres le Prélude et le Liebestod extraits de Tristan und Isolde.
Lors de la Bach Academie, l’artiste en résidence Vox Luminis se plonge lui aussi dans le thème de la saison avec un projet unique : l’ensemble interprète les cantates du mariage, et ce dans le lieu par excellence dédié à cette célébration : l’hôtel de ville de Bruges.
GOLD est également de retour. Durant ce festival, nous explorons le glorieux passé de Bruges en marchant dans les pas d’un personnage célèbre du XVe siècle dont l’influence fut déterminante pour la ville. À l’occasion de cette édition, nous naviguons dans le sillage de Marie de Bourgogne, avec entre autres des musiques festives d’inspiration féminine de l’âge d’or de Bruges.
Mais comme je l’évoquais, l’amour n’est pas toujours synonyme de fête.
La photographe de la saison Julie Calbert est parvenue à capturer avec justesse l’intensité, la fugacité, la complexité et parfois la contradiction de l’amour dans une série de magnifiques images retravaillées : un pendant visuel de l’illustration de l’amour sous toutes ses facettes au long de cette saison, en mouvement comme en musique.